Pleasure, le film d’auteur sur le porno qui fait parler

Film Pleasure

Que coûte vraiment une petite séance de masturbation sur Youporn ? Quel est le prix à payer derrière une vidéo de cul sur la toile ? Avec son premier long-métrage Pleasure, la réalisatrice suédoise Ninja Thyberg filme l’envers du décor de l’industrie du X à Los Angeles et invite à repenser la consommation du porno.

Présenté en sélection officielle au Festival de Cannes 2020, à Deauville 2021 et au Sundance Film Festival 2021, le film de Ninja Thyberg dérange.

À l’instar des scandales autour de la fast fashion, la réalisatrice militante questionne l'industrialisation hyper capitaliste du porno où le droit du travail est inexistant et les travailleur·euse·s soumis·e·s au bon vouloir d’un réalisateur… Un film nécessaire qui questionne la possibilité de faire cohabiter le respect de l’être humain et l’art pornographique.

Ninja Thyberg, la sociologue de la génération Z qui milite pour un porno citoyen

Féministe radicale, Ninja Thyberg étudie les rapports femmes/hommes dans le nouveau département sociologique des Gender Studies créé par la London University.

Après un mémoire sur la place des femmes dans un monde du X dominé par le male gaze, elle fréquente un collectif de porno-féministes et réalise son premier court-métrage déjà intitulé Pleasure, présenté en 2013 à la Semaine de la Critique du Festival de Cannes.

Enquête sur l’industrie du porno à Los Angeles

La réalisatrice décide d’aller plus loin et d’enquêter sur la San Fernando Valley, véritable “Hollywood du cul”, avec l’idée de faire un long-métrage. Pendant 5 ans, elle s’infiltre dans ce monde, rencontre les acteurs de l’industrie, assiste à des tournages et s’installe pendant plusieurs mois dans une “model house” pour vivre avec ces athlètes du sexe et observer leur quotidien.

Elle en profite pour recruter les acteurs de Pleasure, tous issus du porno, souvent castés dans leurs propres rôles à l’exception de l’actrice principale, Sofia Kappel, qui n’avait jamais joué auparavant. “Vierge de la caméra”, donc, comme son personnage.

Un pitch en mode descente aux enfers

Sofia Kappel dans Pleasure

Bella, jolie suédoise de 19 ans dont on ignore le passé, déménage à Los Angeles pour devenir une star du porno. Pas de drame ou de trauma à l’origine de cette décision : “C’est juste que j’aime baiser", balance-t-elle, provoc’, à qui ose lui demander ses raisons. Ambitieuse et attirée par les projecteurs, elle rêve de devenir une Spiegler girl, l’élite de l’industrie du X. Mais la jeune fille, qui n’a encore jamais tourné de porno, ignore tout des codes et limites à franchir pour devenir une star. Logée dans une model house par son manager, véritable “mac légal”, elle se lie d’amitié avec l’une de ses colocs qui lui donne des conseils pour percer.

Bella multiplie les tournages et comprend que pour devenir une star, elle va devoir dépasser ses limites dans une course infernale au spectaculaire et participer à des tournages de plus en plus hard : domination alors qu’elle est suspendue du plafond par des cordes ; double pénétration ; anal. Au risque de se mettre en danger et de vriller.

Un témoignage féministe, à l’envers des clichés

Ouf ! Pas de victimisation systématique des femmes avec ce scénario qui met en scène des héroïnes fortes et déterminées. Bella, stratège, organise sa carrière et exploite les hommes qui l’entourent à son avantage. Publication de photos et vidéos de ses tournages sur Instagram pour gagner en visibilité, flirts avec d’autres acteurs pour se créer un réseau, tournages gratuits de scènes hard pour se faire remarquer… Loin d’être passive, Bella est à l’initiative de tout ce qui lui arrive, à l’instar des actrices de X que la réalisatrice rencontre pour préparer le film.

Motivée par son envie de montrer “tout ce qui concerne le hors-champ ou ce qu’il se passe à côté du film ; ce que nous ne verrons jamais à l’écran” (comme la réalisatrice s’en confie à Samuel Blumenfeld), Ninja Thyberg n’y va pas de main morte. Préparations physiques dignes des grands sportifs, douches spéciales avant l’anal, moyens financiers limités, entraînements dans la salle de bains pour arriver à tenir des positions compliquées, conditions de travail précaires, clashs d’égos, infections… On est bien loin du fantasme.

Bande annonce de Pleasure avec Sofia Kappel par Ninja Thyberg

Pleasure, en salles le 20 octobre.

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