Le journal d’une Parisienne qui enquête sur Tinder

L'Amour sous algorithme de Judith Duportail

C’est terrifiant et on sent que vous allez adorer ça. L’Amour sous algorithme, c’est une enquête choc qui fait du remue-ménage dans l’univers des applis de rencontre… mais qui s’avère aussi agréable et facile à lire que Le Diable s’habille en Prada.

Fraîchement débarquée dans le monde du célibat, Judith Duportail, journaliste au Figaro, entame par hasard une enquête sur Tinder… La Big Data, romantique ou misogyne ? Black Mirror n’a qu’à bien se tenir.

La force d’une enquête avec le ton de Carrie Bradshaw

Le kiff de cet essai, c’est évidemment la qualité du documentaire mais surtout le ton de l’enquête hyper-documentée dans un journal à la Carrie Bradshaw.

Vous voilà glissé dans les stilettos d’une jolie journaliste bobo à Paris qui s’inscrit sur Tinder. Fière de rentrer à nouveau dans son 36, la Parisienne cultive son sex-appeal en fréquentant  assidûment le Club Med Gym et les terrasses de café. Judith ne s’est jamais sentie aussi désirable…

D’autant que sa récente inscription sur Tinder lui fait voir la vie en rose. “Est-ce possible ? Est-ce bien réel ? Tout le monde me like… Tous ces hommes ?... Je laisse monter le shoot de narcissisme comme si on m’avait administré une drogue en intraveineuse.”

Un récit comme un soap

Puis vient le temps de la désillusion… Un plan cul qu’elle aime bien qui conclut l’histoire par un “Je peux pas sortir avec une fille que j’ai rencontrée sur Tinder” ou un type qui lui avoue toujours rester connecté pour voir “S'il trouve mieux”… C’est le temps de la désillusion.

Les histoires de Judith s'enchaînent comme les épisodes d’un soap romantique plus vrai que nature qui traduisent que la galère sentimentale et le sentiment de nullité sont décidemment le fond de commerce de l’appli la plus rentable de l’Apple Store...

Une enquête corsée à la recherche du Elo score

Comment Judith est-elle devenue le Tintin à la recherche de la vérité sur Tinder ?

“L’idée est venue en lisant un article qui expliquait que tout le monde est noté sur Tinder selon un critère de désirabilité et qu’on avait pas accès à cette note... En fait, mon téléphone est en train de m'évaluer… J’ai eu envie d’en savoir plus.”

Désormais pigiste pour Grazia, Judith est chargée d’interviewer le patron de Tinder. Au fil de ses recherches, la journaliste découvre que la promesse de se rencontrer par “géolocalisation” est anecdotique… C’est le fameux Elo score qui va en fait guider vos rencontres.

Explications. “La désirabilité, le fameux “Elo score”, c’est une façon de rester avec des gens de votre “niveau”. En gros : les beaux vont rencontrer les beaux, les moyens avec les moyens, les pauvres avec les pauvres... La seule façon de sortir de son “endroit” de désirabilité, de matcher hors zone, c’est de payer... Ça fait l’effet d’un bateau où vous seriez réunis par niveau, en 1ere, 2e ou 3e classe. De temps à autres, vous avez le droit d'acheter un ticket d’une demi journée pour aller regarder sur le pont de la première avant de redescendre...

Une image progressiste écornée

Sur le papier, Tinder s’affiche comme une entreprise progressiste engagée, en défilant pour la Gay Pride et en prônant l'égalité salariale le 8 mars. Mais tiens, tiens, quand Judith va se procurer le brevet… Elle y découvre des valeurs bien différentes que celles prônées par Tinder.

L'entreprise se réserve en effet le droit d’évaluer l’attractivité et l’intelligence (richesse, beauté, niveau d’étude) de ses utilisateurs, en lisant les messages sur l’appli, en les analysant et via les données Facebook pour se logguer.

L’utilisation de ces informations s’avère d’un archaïsme triste à constater. Traduction : on fera se rencontrer un homme riche et d’un certain âge avec une jolie jeune femme plus jeune et au niveau d’étude inférieur… Mais pas l’inverse. À ce compte là, Macron n’aurait jamais rencontré Brigitte, ni Sartre Beauvoir… CQFD ? À méditer !

Livre de Judith Duportail, éditions Goutte d'Or

L’Amour sous algorithme de Judith Duportail. aux Editions Goutte d’Or. 17 €.

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