Qui dit rentrée littéraire dit plus de 480 nouveautés, soit des centaines d’auteurs à la plume bien affirmée. Pas de panique, la team intello de Do It In Paris s’est chargée de faire le tri parmi ces tas de belles surprises. Une enquête familiale pour la journaliste Marie Richeux, l’histoire bouleversante d’un libraire dans les rue de Gaza, un récit historique au cœur des archipels écossais… Les découvertes à lire absolument, c’est par ici que ça se passe !
Le récit d’un silence familial
Le bon roman : Officier Radio de Marie Richeux
Le pitch. Marie Richeux est de celles qui enregistrent les voix et recueillent les histoires. Elle est de celles qui vont là où d’autres se refusent à aller, parce que la souffrance est telle qu’elles ne peuvent remuer le passé. “Comment ne pas oublier ?”, lui demande son père. Pour y répondre, elle se plonge dans les méandres de la mémoire familiale, au cœur de l’année 1979, alors que son oncle disparaît en mer. Officier radio, c’est le poste qu’il occupait sur l’Emmanuel Delmas au moment du naufrage. Son bateau, qui revenait d’Afrique, est entré en collision avec un pétrolier italien dans la nuit du 26 juin. Peu de morts chez les Italiens lorsque, chez les Français, c’est quasi la totalité de l’équipage qui disparaît dans l’incendie.
Le procès a lieu en Italie, de l’argent est versé aux familles, une cérémonie avec des cercueils vides est organisée et puis silence radio. Silence du côté de sa tante, qui a tout fait pour découvrir la vérité, silence de son cousin, qui perd son père et du père de Marie qui perd un frère. C’est ce silence familial qui pousse la journaliste à fouiller le passé pour mieux comprendre le présent. Avec celui-ci, ce sont des tas d’archives et de photos qui sont sortis des greniers, ce sont surtout des langues qui se délient et une histoire qui est mise à jour.
Pourquoi vous allez adorer. Marie Richeux, journaliste pour France Culture, a le don de dire beaucoup avec très peu de mots. Dans ce récit autobiographique, elle aborde avec délicatesse les silences et délivre ainsi une part de son héritage familial. Avec Officier Radio, elle raconte aussi ses familles de marins. Sa plume délicate sert le récit de ces femmes dont les vies se déroulent dans l’attente de leurs hommes partis en mer. Un très joli texte sur l’importance des silences, le devoir de mémoire et la puissance de cette dernière.
Un hymne aux mots et leur pouvoir
Le bon roman : L’homme qui lisait des livres de Rachid Benzine
Le pitch. Un journaliste français se balade dans les rues de Gaza. Ce qu’il aime photographier, c’est ce qu’on ne voit pas à la télévision, ces morceaux de vie qui résistent, malgré les bombardements, afin de saisir une vérité plus profonde. Malgré les ruines, il connaît la ville par cœur. Et pourtant, c’est avec surprise qu’il découvre ce libraire solitaire, au hasard d’une rue. Assis sur les marches de sa boutique, entouré de piles de livres, il lit en sirotant du thé. Le reporter dégaine son appareil photo. “N’y a-t-il pas derrière tout regard, une histoire ? Celle d’une vie. Celle de tout un peuple parfois”, l’interpelle Nabil Al Jaber.
Ainsi, commence l’échange entre les deux hommes. Nous nous retrouvons au début des années 60. Cet homme, qui a choisi les livres comme refuge, se raconte : son enfance dans les camps de réfugiés, l’exil des siens, les attaques israéliennes, la misère, la peur, le deuil. Puis au cœur de cette souffrance son histoire d’amour, avec les livres d’abord, puis avec Hiam avec qui il monta sur les planches pour jouer Shakespeare, au milieu des ruines, de milliers de vies. À travers son histoire, Nabil Al Jaber nous montre la voie du pardon et de la bienveillance.
Pourquoi vous allez adorer. Après Le silence des pères ou encore Voyage au bout de l’enfance, Rachid Benzine dévoile, une fois de plus, un texte bouleversant d’une force rare. D’une écriture sobre, il livre une fable contemporaine sur le pouvoir des mots et ces hommes-livres, ultimes résistants au naufrage du monde. Sans jugement, il nous ramène à l’essentiel : la littérature et les livres comme refuges de beauté. Un récit plein d’espoir qui laisse son empreinte longtemps après l’avoir refermé.
Un roman au cœur des Highlands écossais
Le bon roman : Éclaircie de Carys Davies
Le pitch. Nous sommes en 1843 dans l’archipel des Shetland au large de l’Écosse. Ivar est le dernier habitant de cette île battue par les vents. Depuis le départ de sa famille, il mène une vie solitaire et paisible aux côtés de ses vieilles bêtes et de son rouet. Ses journées, il les passe à filer la laine ou dans la nature. C’est durant l’une de ses balades qu’il trouve, au pied d’une falaise, un homme inconscient. Il recueille l’homme, le nourrit, rapièce ses vêtements usés et le soigne.
Cet homme se nomme John Ferguson, il est pasteur pour la Nouvelle Église Libre d’Écosse. Sa présence sur l’île n’est pas un hasard : il a fait ce long trajet pour expulser Ivar de l’île et prendre possession de ses terres. Mais, à son réveil, le pasteur n’a pas le cœur de lui dire qu’il est venu lui retirer la seule maison qu’il n’ait jamais connue. Débute alors une amitié qui se passe de mot, qui se construit dans le silence. Ivar se balade, pointe les choses afin de donner à John les clés de son propre langage et de cette nature qu’il a fait sienne au fil du temps.
Pourquoi vous allez adorer. Carys Davies troque les plaines du Kentucky de son premier roman, West, pour une île au large de l’Écosse, proche de la Norvège. On plonge au cœur du 19e siècle, alors même que la Nouvelle Église Libre fait son apparition et que débute les Highland Clearances, ces mutations agricoles qui ont divisé les populations écossaises. L’auteure tisse, autour de ces faits historiques, un récit d’une grande portée humaniste. D’une plume simple et pleine de poésie, elle livre une histoire d’une grande finesse. Une ode à ces mots qui nous lient.
Un roman flamboyant à l’albanaise
Le bon roman : Nous sommes faits d’orage de Marie Charrel
Le pitch. Les clés d’une bicoque aux confins du monde et un mot : “Trouve Elora.”. Tel est l’héritage laissé par Ester à sa fille. Ni une ni deux, Sarah quitte l’Islande pour les montagnes albanaises et, à l’aide d’un guide, gagne le village sans nom, un lieu mystique qui, depuis la fin du régime despotique, ne compte plus qu’une flopée d’âmes qui errent dans les montagnes. Des fjords glacés aux crêtes désertées, Sarah, chercheuse en éco-acoustique, écoute le vent, la nature et les chuchotements des villageois de cet endroit oublié par le temps.
Débute ici son périple sur les traces de sa mère, de ce passé dont elle ne connaît rien et d’Elora “l’enfant-feu”. Celle qui a choisi la liberté envers et contre tous a suivi la voie de ces bergers qui gravent des poèmes sur les rochers et a déterminé la vie d’une lignée de femmes après elle, dont Sarah. Une quête qui la mènera des années 70 au cœur de la dictature, au cœur d’un pays corrompu, à la chute du régime en 90 sur les pas de Dritan, d’Ilir, de Sokol et d’Ester qui, par les mots, résistent.
Pourquoi vous allez adorer. L’enfant tombé des rêves, Les danseurs de l’aube, Les mangeurs de nuit,… Marie Charrel a l'art et la manière de conter les mythes et légendes qui peuplent notre monde. Nous sommes faits d’orage ne fait pas exception : l’auteure nous plonge au cœur du folklore albanais a une époque où le régime despotique d’Enver Hoxha ravage et isole le pays. Elle dresse ici une fresque historique lumineuse, qui mêle à la fois imaginaire, résistance et liberté. Un hymne à la nature qui nous forme et aux mots qui nous permettent d’être mais surtout une ode aux femmes qui, courageuses, portent un monde qui se défait.
et toujours...
Un roman feel good qui infiltre le milieu de l’influence
Le bon bouquin : Les Influentes d’Adèle Bréau
Le pitch : Anne, une mère de famille dont la petite entreprise consiste à vendre ses créations cousues main, voit sa vie chamboulée quand Beyoncé s’affiche avec l’une de ses combishorts. Blanche, la rédac’ chef de l’immense magazine Attitude, la repère immédiatement et met le grappin sur sa célébrité montante. Dans un monde de plus en plus régi par les réseaux sociaux, Myrtille, jeune styliste dans l’ère de son temps, se rend bien compte qu’il faut se mettre à la page et promouvoir les jeunes talents avec les outils du moment.
À grands coups de lives sur Insta, de stories, de crossposts et de hashtags, le monde de l’influence infiltre celui de la mode. Mais quand vous faites collaborer une maman qui n’aime pas vraiment être sous le feu des projecteurs, une rédac’ chef conservatrice qui abhorre les influenceurs sans talent et une styliste toute fraîchement débarquée dans le milieu à l’occasion de la Paris Fashion Week, ce sont trois mondes très différents qui se fritent, pour le meilleur et pour le pire.
Pourquoi vous allez adorer ? Quelle que soit votre vie, il est possible de retrouver un peu de soi dans les personnages de Blanche, Anne et Myrtille. L’interconnexion des vies, des aspirations et des talents des Influentes nous rappelle La Tresse de Laetitia Colombani et ses récits de la vie de trois femmes fortes qui s'entrelacent. Et qui mieux qu’Adèle Bréau, directrice de la mode chez Gala et auteure du très remarqué L’Heure des Femmes paru en 2023, pour délivrer avec autant de malice un portrait de la fashionsphère ? On se faufile avec elle dans les coulisses des grandes rédactions de magazines et au sein des évènements les plus courus, au fil d’un récit tantôt critique (tant vis-à-vis des influenceurs que des rédacs’ à l’ancienne), tantôt nostalgique de ce milieu fait de strass et de paillettes, faisant de son roman un petit bonbon franchement drôle et édifiant.
Splendeur et misères au cœur de la Place Vendôme
Le bon bouquin : Briller de Laurence Cossé
Le pitch. Les bijoux de Marie-Étienne Nitot pour Napoléon, les joyaux des Dolly Sisters, le diadème soleil de la princesse Irina Youssoupoff, nièce du tsar Nicolas II ou encore les émeraudes des princesses Romanov : ces trésors sont tous issus d’une seule et même maison de haute-joaillerie à l’histoire truffée d'anecdotes. Fondé en 1780 par Marie-Étienne Nitot, Chaumet n’a, dès lors, cessé de passer entre les mains de familles de passionnés : les Nitot de l’Empire, les Fossin de la Restauration, les Morel du second Empire, et bien sûr les Chaumet dès 1889.
La maison se fait la gardienne d’un savoir-faire hors du commun mais aussi de tout un tas de secrets confiés par leur clientèle. L’histoire de Chaumet est aussi entachée par une flopée de disparitions : les pierres précieuses des joyaux de la Couronne, en partie dérobées en 1792 puis vendues et dispersées en 1887, les parures napoléoniennes fondues ou remontées sous la Restauration… Il faut dire que la vie d’un bijou est riche en mésaventures, et c’est ce qui fait le délice et l’imprévisible de ce voyage dans le temps.
Pourquoi vous allez adorer ? Après avoir imaginé une librairie idéale qui ne vendrait que des chefs-d’oeuvre dans Au bon roman ou encore de s’être penchée sur la construction de l‘Arche de La Défense, enjeu de luttes politiques inimaginables, avec La Grande Arche, Laurence Cossé s’invite entre les murs d’une maison de haute-joaillerie parisienne. Fort d’une documentation ultra-pointue, résultat de recherches poussées parmi les archives de la maison Chaumet, le roman fait revivre des personnalités brillantes de l'Empire à nos jours dans un jeu de récits aussi historique que romanesque. L’auteure nous plonge sans mal dans les coulisses de cette fabuleuse épopée familiale qui illumine la place Vendôme depuis 1780.
Un roman cruel sur l’amour et ses désillusions
Le bon bouquin : La promesse de Camille Laurens
Le pitch. Ce roman commence par la fin, par ses dernières lignes. Claire y découvre la preuve, celle que l’on attend tout le récit. Pourquoi commencer par la fin, demanderez-vous ? Parce qu’elle permet de dérouler aisément la suite, même si par là, la narratrice rompt une promesse. Reprenons là où tout à commencé, lors de ce dîner aux chandelles, alors que Claire fait une promesse à son amant, une promesse qu’elle sait d’avance qu’elle ne tiendra pas. Et là où tout se termine : devant un tribunal.
Mais comment Claire Lancel se retrouve-t-elle à raconter son histoire devant la justice ? Rien de plus simple : c’est le début puis la fin d’un couple, mais en accéléré. Une histoire d’amour qui aurait pu être sensationnelle si seulement il n’y avait pas eu tous ces mensonges et ces manipulations. Entre Claire et Gilles, ça a été le coup de foudre puis rapidement la désillusion, la découverte de l’amour masculin pervers, et puis il ne reste plus rien, à part peut être une question : “Ce que nous avions vécu, était-ce de l'amour ?”
Pourquoi vous allez adorer ? Camille Laurens n’en est plus à son coup d’essai, son nom résonne sur la scène littéraire depuis la sortie de son premier roman Index en 1991. Avant La promesse, il y avait Fille, dans lequel l’auteure aborde avec douceur la transmission aux femmes et l’importance des mots dans leur construction. Ici, l'écrivaine déploie la tension d’un thriller et nous entraîne dans la quête de vérité de l’héroïne. De son style incisif, Camille Laurens raconte un couple, son ascension et sa chute, et questionne ainsi le narcissisme contemporain, l’absence d’empathie, mais aussi ces yeux que l’on ferme quand tout devient moche.
Le récit d’une quête identitaire hors du commun
Le bon bouquin : Patronyme de Vanessa Springora
Le pitch. “Tu écris un livre sur ton père ? Tu es bien tolérante, après tout ce que t'a fait ce salopard !” Et pourtant, c’est le récit dans lequel se lance Vanessa Springora à la mort de celui-ci. Alors qu’elle est en route pour La Grande Librairie, elle est appelée pour venir identifier le corps sans vie de son père, qu’elle n’a pas vu depuis 10 ans. Un homme toxique, mythomane, hypermnésique et misanthrope qui, dans ses dernières années, avait plongé dans la folie. Alors qu’elle s’apprête à vider les 35 m² qu'occupait Patrick Springora, l’auteure se heurte à une découverte des plus étranges : deux photos, datant de la fin des années 1930, de son grand-père paternel portant les insignes nazis. Horrifiée, elle se lance dans une quête de vérité.
Mais qui était vraiment ce “réfugié tchécoslovaque qu’on m’a toujours présenté comme un héros” ? Elle lance ses filets en Tchéquie, d'où son grand-père est originaire, interroge les archives allemandes, débusque des témoins en Moravie, fouille son passé français, le tout dans une quête d’identité quasi obsessionnelle. De petites avancées en grands découragements, en passant par des doutes, des réflexions et des impasses, l’auteure livre le récit de son enquête généalogique. Le travail est titanesque, mais le compte rendu est sublime !
Pourquoi vous allez adorer ? Le nom de Vanessa Springora n’est plus inconnu depuis son premier roman Le consentement, témoignage d’une relation d’emprise lorsqu’elle avait 14 ans avec le célèbre écrivain Gabriel Matzneff : un texte fulgurant qui avait permis de faire bouger la justice française. Avec Patronyme, l’auteure livre de nouveau une quête intime, alternant fiction et analyse, récit de voyage et légendes familiales. Elle interroge le mythe de ses origines, les péripéties de son nom de famille, le mystère entourant les figures masculines de son enfance et dénonce la puissance dévastatrice du non-dit.
Un roman puissant sur le harcèlement scolaire
Le bon bouquin :Vous parlez de mon fils de Philippe Besson
Le pitch. Pourquoi Hugo a-t-il perdu pied face aux persécutions de deux gamins stupides et cruels ? C’est la question que se pose Vincent, alors qu’il suit le cortège de personnes venues honorer la mémoire d’Hugo, son fils de quatorze ans. Entouré de sa femme Juliette et de leur fils cadet Enzo, et alors que la “marche blanche” suit son cours dans les rues de Saint-Nazaire, le père de famille se laisse aller à un dialogue intérieur.
Vincent se remémore “La première fois qu'elle m'a glissé à l'oreille : ‘Je crois qu'il se passe quelque chose avec Hugo, il n'est pas bien’”, et puis déroule les souvenirs de l’enfer vécu par son fils, l'inexorable montée de la cruauté gratuite, le harcèlement et le mal-être. Les questions s’entremêlent : quelle est leur part de responsabilité ? En quoi ont-ils failli, lui et Juliette ? Et surtout, comment pardonner la bêtise et la violence des harceleurs, la lâcheté de l'institution ?
Pourquoi vous allez adorer ? Philippe Besson, à qui l’on doit déjà L'Enfant d'octobre, qui retrace l’affaire Grégory, Les Jours fragiles, centré sur les derniers jours d’Arthur Rimbaud, ou encore Un soir d’été, sur un fait divers jamais résolu sur l’île de Ré, a l’art et la manière de raconter des histoires bouleversantes. Avec Vous parlez de mon fils, l’auteur dresse un puissant réquisitoire contre l’un des pires fléaux de notre époque : la violence ordinaire. En nous dévoilant ses pensées les plus intimes, le narrateur analyse l’intolérance, les mécanismes du harcèlement, les failles de l’institution scolaire, l’impuissance des adultes mais aussi le deuil et les complexités des relations familiales.
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