Un récit touchant sur l’une des pionnières du journalisme féminin, le dernier volet de la saga romanesque emblématique de Daniel Pennac, la sortie du nouveau Pierre Lemaître, le roman noir du virtuose Colson Whitehead... La très attendue rentrée littéraire est pleine de belles surprises ! Les pépites du moment, c’est par ici que ça se passe.
Une fresque familiale sur les Trente Glorieuses
Le bon bouquin : Le silence et la colère de Pierre Lemaitre.
Le pitch. Tout juste un an après Le Grand Monde, voici le second opus des aventures de la famille Pelletier. Pierre Lemaitre opère une plongée mouvementée et jubilatoire dans la seconde période des Trente Glorieuses, marquée par des mutations sociales et dans laquelle frémissent les prémisses de la révolution de Mai 68 et des combats féministes. L’auteur jongle avec brio entre faits historiques et trame romanesque.
De Paris à Beyrouth en passant par Saigon, on suit tantôt le père de famille pris de passion pour la boxe, le fils aîné qui tente de mener à bien son projet de magasin de vêtements révolutionnaire, le second fils qui tente de percer les mystères que lui cache son amoureuse sourde et Hélène, journaliste au quotidien Le Journal du Soir. La jeune femme a tout d’une Françoise Giroud, et au travers de combats féministes qu’elle mène, s’avère décidément l’héroïne de ce roman.
Pour qui ? Les adeptes de romans aux faux airs de récit historique. Si, dans le premier volet, Pierre Lemaitre rendait hommage au roman d’aventure en faisant voyager son lecteur, avec Le silence et la colère, il dresse aujourd’hui une fresque sociale. Ce roman brosse le portrait d’une France en plein essor, obsédée par le progrès mais parfois répressive, notamment lorsqu’il s’agit d’avortement. On y décèle des faux airs de Balzac, de Flaubert ou encore de Dumas, notamment lorsqu’il dénonce l’injustice, étonne avec un meurtre, emeut avec une histoire d’amour impossible et déroute par sa vision de la cruauté humaine.
Le portrait d’une journaliste d’exception
Le bon bouquin : L’heure des femmes d’Adèle Bréau…
Le pitch. Par cette histoire, la journaliste et romancière Adèle Bréau rend un hommage touchant à sa grand-mère, Ménie Grégoire, grande figure de la radio et créatrice de la libre antenne féminine. En 1967, cette bourgeoise et mère de famille est recrutée par RTL pour animer un programme dont le but sera de faire parler les femmes. De 1967 à 1981, les femmes de la France entière se confient à “la dame de cœur” et deviennent rapidement des millions à suivre l’émission avec passion.
Cinquante ans plus tard, une documentariste qui peine à se reconstruire replonge dans ces années qui ont permis d’unir les destinées de ces femmes qui, ne s'étant jamais vues, vont s’entraider. Amour, maternité, droits, sororité... Ménie explore sur près de cinq décennies les avancées, les paradoxes et les régressions de la condition féminine.
Pour qui ? Les amatrices de destins de femmes exceptionnelles. Adèle Bréau est passée experte en ce qui concerne les récits pleins de vie et les personnages à la psychologie bien campée. Avec L’heure des femmes, elle fait la part belle à la solidarité intergénérationnelle et prouve une fois de plus son talent pour écrire les femmes et la sororité. Comme souvent, elle a placé la femme au cœur de son roman, abordant ces destins avec toujours autant de tendresse et d’empathie. Celles-ci sont attachantes, fouillées et parfaitement analysées. Par leurs récits, elles permettent d’aborder des sujets primordiaux et pour certains encore d’actualité comme la contraception, l’avortement, le plaisir sexuel et les violences conjugales.
Très chères baronnes de Rothschild
Le bon bouquin : Très chères baronnes de Rothschild de Nadine de Rothschild.
Le pitch. Tout le monde a déjà entendu parler de la famille Rothschild, ces générations de banquiers célèbres et ultra-puissants. Ce dont parlent moins les tabloïds du monde entier, ce sont les femmes de la famille. Derrière tout grand homme se cache une grande femme et c’est pourquoi Nadine de Rothschild s’est attelée à la lourde tâche d’un récit qui leur rendrait hommage.
Dotées d’une forte personnalité, modèles de philanthropie et collectionneuses aguerries, elles ont marqué leur époque et ont su tracer leur route souvent avec fantaisie, panache, esprit et toujours un grand sens du devoir. De Béatrice et sa célèbre villa du Cap Ferrat, à Miriam qui a consacré sa vie à l’étude des puces, en passant par Noémie, fondatrice de la station de ski de Megève, Cécile, amie de Greta Garbo et Bethsabée, protectrice de la danseuse Martha Graham : qui était vraiment les baronnes de Rothschild ?
Pour qui ? Les passionné·e·s d’histoire qui souhaiteraient y voir plus de figures féminines. La famille Rothschild passionne et fascine depuis toujours, alors quoi de mieux que de découvrir dans leur intimité quelques-unes de ses figures féminines les plus importantes. Le tout écrit par l’une des plus emblématiques femmes de la famille, Nadine, connue pour son zèle, son franc-parler et son humour. Celle qui épouse le baron Edmond de Rothschild en 1963 écrit depuis des livres de savoir-vivre ou encore sur sa vie et les célébrités qu’elle a rencontrées.
Le roman noir tragi-comique
Le bon bouquin : Harlem Shuffle de Colson Whitehead.
Le pitch. Bienvenue dans le New York des années 1960. Si cette ville vous est étrangère, pas de panique, Colson Whitehead a mis à la disposition de ses lecteurs·trices un guide des plus honorables : Ray Carney. Ce père de famille connaît bien son quartier, Harlem. C’est parce qu’il a des rêves plein la tête qu’il se retrouve empêtré, un peu sans le vouloir, dans une sale affaire. Marchand de meubles le jour et receleur la nuit, c’est à cause de son cousin Freddie qu’il se retrouve à revendre des objets plus ou moins légaux.
Se révèle à lui un monde qui lui était jusqu’alors inconnu : celui des malfrats en tous genres, voleurs, assassins, dealeurs et hommes de main. Au cœur d’une époque agitée par les mouvements pour les droits civiques et la guerre du Vietnam, l’auteur dresse le portrait de gangsters aux passés sombres. À la manière d’un roman policier, le livre ne se lâche pas avant d’avoir le fin mot de l’histoire et de savoir comment Ray Carney, homme tout à fait ordinaire plongé dans une histoire extraordinaire, va s’en sortir.
Pour qui ? Les fin·e·s lecteurs·trices de romans noirs. Après deux prix Pulitzer de la fiction pour Underground Railroad et Nickel Boys, Colson Whitehead n’a plus à prouver son titre d’auteur virtuose. Du faux roman d’apprentissage à la satire en passant par un roman sur l’esclavage et une intrigue policière, l’auteur couvre tous les registres et y excèle. Par la description des métamorphoses urbaines (il en est le maître), l’auteur aborde la question raciale et la place de l’homme noir. Ici, en détournant avec ce qu’il faut d’humour les codes du roman noir, il livre un récit au suspense difficilement tenable.
Au revoir Malaussène
Le bon bouquin : Terminus Malaussène de Daniel Pennac.
Le pitch. Plus de 30 ans après le premier volume, Au bonheur des ogres sorti en 1985, devenu un véritable classique de la littérature française, Daniel Pennac clôt sa saga. Avec le temps, la famille Malaussène est devenue comme une vieille amie qu’on prend plaisir à retrouver. C’est donc avec joie et un peu de nostalgie qu’on se rapproche à nouveau de Benjamin, notre bouc-émissaire favori, et toute sa smala, sa mère éternellement enceinte et ses six frères et sœurs.
Ici, on se retrouve plongé·e dans une affaire politico-judiciaire qui réunit tous les protagonistes imaginés par l’auteur. Cette galerie de personnages excentriques évoluent dans ce qui se révèle être une intrigue policière complètement loufoque qui moque les codes du polar. Les histoires s'emboîtent comme des poupées russes pendant que rôde, dans l’ombre de Belleville, Pépère, la mort dans le sang.
Pour qui ? Les amis de la famille, qui suivent les aventures du clan Malaussène depuis les années 80. L’intrigue ficelée avec amour par Daniel Pennac a suivi notre société avec bienveillance et ce qu’il faut d’humour. Comme à son habitude, il aime l’anecdote, la transgression, le conflit perpétuel entre affectif et social. L’auteur aborde des thèmes forts tels que la violence, le mensonge, la justice ou encore les inégalités. Et c’est avec le cœur un peu lourd que l’on dit au revoir à la famille (même si la fin du livre nous en fait encore douter).
Mais aussi ...
Pleine et douce de Camille Froidevaux-Metterie
Stéphanie a voyagé en Espagne pour faire appel à la procréation médicalement et réaliser son rêve d’être mère. Fred, son meilleur ami, a décidé de l’épauler et de reconnaître la petite Ève comme étant sa fille. Ensemble, ils forment une famille atypique comme il y en a tant. Autour d’eux gravitent une galaxie de femmes, toutes plus fortes les unes que les autres. La naissance d’Ève conduit chacune d’elles à réfléchir à son existence, son corps et à sa sexualité. Dans des monologues à la 1ère personne, sœurs, amies, nièces parlent de leurs combats intimes et témoignent de leur quotidien bousculé par l’heureux événement. Tout à la fois mordante et tendre, par une écriture tout en liberté et en souplesse, Camille Froidevaux-Metterie délivre un premier roman touchant dans lequel se répond un chœur de femmes.
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