Philippine Hubin : start-up et politique

Phillippine Hubin

A 28 ans, Philippine Hubin a déjà eu mille vies. Cette ancienne avocate d’affaires parisienne, admise au barreau de New York, a lancé Letestu, une conciergerie de cadeaux pour les pros. Un carton. Les entreprises du Cac 40 et les start-up en vogue s’arrachent ses coffrets sur-mesure pour gâter leurs clients et leurs collaborateurs. Et quand elle ne travaille pas pour sa boîte, la jeune femme exerce son mandat d’adjointe de Rachida Dati à la mairie du 7e. Itinéraire d’une girlboss engagée, qui fonctionne au challenge.

Votre CV en 5 dates clés

2000 : création de ma première “entreprise” ! J’ai 10 ans, avec une amie, nous avions décidé de vendre nos croquis de robes à toutes les boutiques de l’avenue Montaigne.

2009 : Après 2 ans de prépa, j’intègre enfin l’école normale supérieure de Cachan et je claque la porte deux jours plus tard ! Ce n’était pas pour moi. J’avais besoin d’être tournée vers l’entreprise et l’international. Ma première décision d’adulte. A la place, j’ai préparé l’entrée à Science Po.

2013 : admise au barreau de New York après un master à NYU. Une joie immense.

2014 : élue et nommée au poste d’adjointe au maire déléguée à la famille, aux seniors, au handicap et à la santé.

2015 : lancement de Letestu, mon entreprise spécialisée dans les cadeaux professionnels.

D’avocate d’affaires à start-uppeuse, quel a été le déclic ?

Après mon admission au barreau de New York, j’ai commencé à travailler à Paris dans un cabinet américain en droit des affaires, département fusion acquisition. C’était trop spécialisé pour moi, je ne me sentais pas à ma place.

Parallèlement j’ai toujours été intéressée par la politique, j’ai eu l’opportunité d’être sur la liste de Rachida Dati pour les élections municipales de 2014. A 23 ans, j’étais de loin la plus jeune. Suite à son élection, elle m’a nommée adjointe au maire. Le hic ? Je ne pouvais pas faire un closing client à 4h du matin et être à la mairie à 8h pour une inauguration. Il a fallu que je fasse un choix. J’ai décidé de démissionner de mon cab’ pour m’engager à fond dans mon mandat. Et dans la foulée, je me suis lancée dans l’entrepreneuriat.

philippine hubin adjointe maire rachida dati

Pourquoi avoir choisi le business des cadeaux d’affaires ?

En tant qu’avocate, j’ai été confrontée à la difficulté de faire des cadeaux clients, pour les remercier de la signature d’un contrat par exemple. Ça prenait un temps fou : trouver le bon cadeau, trouver le fournisseur, aller l’acheter, s’occuper de l’envoyer, écrire un petit mot… Avec mes horaires de dingue, c’était l’enfer. A l’époque, j’aurais rêvé qu’une personne s’occupe de tout à ma place. Après ma démission, l’idée a refait surface et j’ai créé Letestu, un service clé en main dédié exclusivement au cadeau professionnel.

Des exemples de cadeaux Letestu ?

On fonctionne exactement comme une conciergerie. On s’adapte à la cible, au budget, au moment. Donc tout dépend de la situation et de l’objectif : accueillir un nouveau client/collaborateur/salarié, remercier, récompenser, s’excuser. Plus globalement, l’idée est bien entendu de fidéliser.

Chez Letestu, on déniche des cadeaux peu communs et on mise à fond sur la personnalisation. Le coffret d’épicerie fine a toujours la cote. On y glisse des produits de marques jeunes un peu décalées et premium comme l’Artisan de la Truffe, le Chocolat des Français. Il y a aussi les bougies personnalisées, la jolie papeterie de bureau...

letestu artisan de la truffe le chocolat des francais

Vous êtes aussi adjointe au maire. En quoi consiste votre mandat d’élue locale ?

Je suis déléguée à la famille, aux seniors, au handicap et à la santé. Il y a beaucoup de choses à faire. Au quotidien, j’apporte des solutions extrêmement précises aux administrés. Exemples ? Les aider à constituer un dossier pour un logement avec accès handicapé, refaire un trottoir trop haut pour les fauteuils roulants. C’est hyper satisfaisant parce que l’on voit immédiatement l’impact que l’on peut avoir. D’autres dossiers sont plus longs à traiter, notamment s’ils nécessitent des financements importants. Au-delà des problèmes à résoudre, il y aussi tous les événements auxquels on doit se rendre : inaugurations officielles, remises de médailles. Ça fait partie du boulot, mais ça prend beaucoup de temps.

Avez-vous suivi une formation avant votre nomination ?

Pas du tout. Une fois élu, on est lâché dans le grand bain ! Il n’y a pas de manuel, la seule solution est d’apprendre sur le tas. Au début, ça demande énormément de travail. Il faut se mettre en lien avec tous les acteurs du territoire (administrations, associations), se renseigner sur toutes les aides à disposition, sur tous les ressorts possibles. Ça demande du temps et de l’énergie. Beaucoup d’élus sont en fin de carrière ou en profession libérale pour avoir une flexibilité dans leur emploi du temps, sinon c’est très compliqué.

24h dans la vie de Philippine Hubin. Racontez-nous.

Mon réveil sonne à 7h15. J’arrive à la mairie à 8h pour lire mon courrier et organiser mes rendez-vous. A 9h30, je suis chez Letestu, heureusement les bureaux sont tout près. Au déjeuner, je me fais livrer par Frichti ou Pop Chef, sauf si j’ai un déjeuner client. 18h30, je retourne à la mairie pour recevoir les associations, les structures, les administrés. Il m’arrive de faire un aller-retour dans la journée pour célébrer un mariage par exemple. Pour l’anecdote, ces derniers mois j’ai marié toutes mes copines ! Je rentre à la maison à 20h30 ou je dîne avec des amis. Je suis au lit à 22h30/23h. Le week-end, j’ai souvent des astreintes à la mairie. C’est un gros rythme mais ce sont deux projets dans lesquels je me sens tellement investie que parfois je n’ai pas l’impression de travailler.

Ce que vous auriez aimé savoir avant de monter votre boîte ?

Je ne me doutais pas que tout serait aussi compliqué ! Monter sa boîte, c’est difficile, il y a une pression financière qui est stressante. Avec mon associé, pour lancer l’affaire, on avait décidé de réinvestir tous les bénéfices dans la société. Du coup, on ne se payait pas. Je touchais les 1000 € par mois de mon mandat. Ce n’est pas énorme, mais c’était déjà ça. Faute de ressources, mon associé a dû partir et je me suis retrouvée toute seule, ce n’était pas évident. J’ai fait preuve de résilience, je me suis accrochée et j’ai fini par trouver une nouvelle partenaire. Ce que j’adore dans mon job ? Exercer 1000 métiers dans ma journée (compta, communication, RP, du démarchage commercial, du sourcing…), il faut savoir être multi-casquette.

Samedi 19h, mail urgent d’un client. Vous répondez ?

OUI. Bien sûr, c’est vraiment le principe de la conciergerie créative. Mon plus gros défi ? Une commande de 200 coffrets sur-mesure passée par un nouveau client le 23 décembre dernier à 17h ! J’ai dû annuler mes vacances pour convaincre tous mes prestataires de travailler entre Noël et le Nouvel An, sachant que la plupart des usines ferment à cette période. Et j’y suis arrivée.

Votre modèle de réussite ?

J’en ai deux. Ma mère, qui dirige une entreprise de 650 salariés dans la plasturgie. Elle a su s’imposer dans un milieu hyper masculin et avec 3 enfants, elle n’a jamais loupé une sortie scolaire.

Et Sheryl Sandberg, n°2 de Facebook. J’ai été très inspirée par son livre Lean in. Au-delà de son aspect féministe, elle montre que pour atteindre ses ambitions il faut prendre son destin en main. C’est un message porteur qu’on n’entend pas assez en France.

sheryl sandberg livre leave in

Plus d’informations sur Letestu.

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