Lisaboa Houbrechts, jeune tête de la création théâtrale flamande, frappe fort pour sa nouvelle mise en scène, une adaptation contemporaine de Médée à la très chic Comédie-Française. Dans cette version, c’est une épouse en pleine peine intérieure qui se déploie devant nous, parmi une myriade de personnages sublimes et de décors originaux. On vous emmène…
Une version moderne du mythe
Pour sa saison estivale, la Comédie-Française accueille donc la metteuse en scène Lisaboa Houbrechts qui présente sa version 2.0 de la grande tragédie d’Euripide. Médée, c’est l’histoire tragique d’une femmes qui a trahi sa famille et sa patrie pour fuir avec Jason, héros d'Iolcos. Des années après l’épisode de la Toison d’Or, Jason délaisse sa femme et ses enfants pour épouser Créuse, qui lui garantira un fort pouvoir diplomatique. C’était sans compter sur l’esprit vengeur de Médée et ses pouvoirs surnaturels…
Cette version du mythe se veut ouvertement corporelle, dans une mise en scène chorégraphiée, avec des interludes musicaux et des gestes très esthétisés, notamment joués par une Aphrodite (Léa Lopez, la petite sœur dans Clem !) désarticulée aussi monstrueuse que sublime. Des éléments anatomiques apparaissent dans le décor et les costumes, comme le cœur rouge et lumineux de Médée (campée par la superbe Séphora Pondi) malmené par la déesse de l’Amour ou encore son char qui prend la forme d’un gigantesque visage d’homme.
Le spectacle traverse les grandes lignes du mythe, guidé par un Chœur dont les très beaux costumes réinterprètent la toge antique. Prenant parfois l’allure de troupe d’Aphrodite, ce Chœur incarne une forme de spiritualité ancienne qui propose d’éblouissants moments de catharsis.
Le genre en question
Très visuelle mais moins sanguinolente que la pièce originale, cette version de Médée atténue l’horreur de la tragédie pour évoquer plus en profondeur la souffrance féminine. Médée hurle, pleure, se roule au sol, se lamente, supplie mais agit surtout en femme blessée et abandonnée de tous·tes. La violence qu’elle déchaîne n’est que le résultat d’une violence contre elle, scénographiée de façon très poétique, jusqu’à l’infanticide prenant la forme de ballons de baudruche éclatés par la comédienne.
Ce spectacle questionne le genre en faisant incarner des personnages d’homme par des femmes et vice versa. La féminisation de Jason (Suliane Brahim) apporte un nouveau regard sur la parentalité et la masculinisation de la Nourrice (Bakary Sangaré) lui donne un nouveau rapport à l’histoire où elle prend ici des allures de griot omniscient, incarnation de la fatalité.
Cependant, c’est par sa violence et sa monstruosité que Médée se libère d’une certaine manière de sa condition de femme et la dépasse en détruisant d’abord sa maternité (par le meurtre de ses enfants) puis sa propre chair (en quittant la Terre sur son char). C’est une nouvelle Médée qui fait son entrée au Répertoire du Français et qui est à découvrir jusqu’au 24 juillet.
Médée à la Comédie Française jusqu’au 24 juillet, en semaine à 20h30, certains week-end à 20h30 ou 14h, Réservations ici. 1h25.
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